- Les Beaux moqueurs

Nous, poètes, nous sommes des beaux moqueurs. C’est pourquoi nous redonnons, tous les lundis, des couleurs aux peintres du dimanche. Nous louons les jardiniers qui entretiennent l'aura des pâquerettes car grâce à eux nous offrons des bouquets aux jeunes filles en fleur qui ont déjà des états d'âme.

Ceci étant fait, nous voyageons en Camargue pour voir les femmes en rose et nous devenons américains en Arles car, les américains, Arles aime. Oui, nous préférons jouer avec les mots plutôt qu’avec les moustiques qui eux ne sont pas ludiques.

Nous poètes beaux moqueurs, nous laissons la plage aux romantiques et aux chanteurs les rimes en toc.
Je n'aimerai pas terminer ma vie de poète, en me disant : «Ca n' rime à rien!».
Je préfèrerai dire: «La vie du poète est un songe, puisque c'est une histoire d'rimes!».

Ah, nous, poètes, faux rêveurs, n'attendons pas d'avoir des arrières pensées pour porter la parole sur le devant de la scène, même si c'est pour y prendre des tomates qui, pour nous, sont les primeurs du public.

Il est de notre devoir de remettre les expressions toutes faites à niveau avant que les conseils donnés fassent les idées reçues.

C’est pourquoi nous soutenons les opprimés, les réprimés, les déprimés, et même les cons primés. Enfin tous ceux qui doivent s’exprimer pour que les vérités soient bonnes à dire à ceux qui font la sourde oreille. Car ceux qui ne veulent rien entendre ne savent pas ce que les autres endurent.

Qui pense à moi le conteur obligé d'être dans la diction ? Qui pense au plombier qui a eu la goutte et a dû prendre la fuite, au nudiste qui n’a pas un sou en poche, à l'opticien en garde à vue, au professeur mis en examen et placé en maison de correction, au bossu en redressement, au croupier français qui perd la boule et joue à la roulette russe, au postier qui n'aiment pas son timbre de voix, au cardiologue qui doit faire la circulation, au menuisier qui a porté plainte quand on l'a volé, au cuisinnier bouffon et au migrant de taille moyenne ?

Alors que nous, poètes beaux moqueurs, nous savons pardonner aux six clowns pauvres qui ont siphonné, comme à l’ancien boxeur alcoolo qui a un coup dans le nez et qui est en vrac, depuis qu’il a pris de la bouteille, car nous devinons que l'homme et le vin sont liés à la vie à la mort puisque les deux finissent au caveau.

Par contre nous huons l’haltérophile irresponsable qui soulève de la fonte devant la glace et le policier de l'ex Allemagne de l'Est devenu fournisseur d'ex stasi.

Nous, poètes, beaux moqueurs, ayons à nos menus les bonnes formules. Mettons la sauce et le parmesan dans les assiettes des myopathes et ne faisons pas tout un cirque si un jour l'écuyère crache dans la soupe.

Donnons aujourd'hui ce qui est à portée de main pour ne pas laisser les manchots au poing mort, comme eux nous pourrions nous en mordre les doigts.

Prenons la beauté à bras le corps avant qu'un aviateur la prenne sous son aile, élevons nos verres à la santé des brèves de comptoir, soyons nickel au zinc, ayons la volonté de faire devant notre public en or. «L'important est d'aimer tôt, c'est pourquoi je m'étale.». Pensée extraite d'un livre laiton, édité chez Plon. C’est du lourd.

Nous, poètes, desserrons les taux de l'argent en jouant à cache cash.

Nous ne laisserons pas la palme de la victoire aux plongeurs qui jettent l'éponge puis partent jouer leur combinaison au PMU le plus proche.

Valsons avec les danseurs qui ont l'affaire dans la musette. Mais en attendant, comme des batteurs, accordons nous un jour de battement. Car la terre, qui n'est pas née de la dernière pluie, a plus d'un tour dans son sac. C'est pourquoi elle se met dans tous ses états pour faire chaque jour une révolution, comme nous, poètes beaux moqueurs.